RARE VUE PANORAMIQUE DE RIO DE JANEIRO
Date de vente : 19 novembre 2023
Estimation : 5000/10 000 €
Prix de vente : 19019 €
Emeric ESSEX VIDAL (1791-1861)
Vue panoramique de la baie de Guanabara, Rio de Janeiro
Aquarelle sur papier
Dim : 49.5 X 520 cm
Accidents et taches
Vers 1826-1829
Eléments comparatifs en collection publique :
- Museu de Arte de São Paulo, MASP.00232, panorama da Baia de Guanabara, pour une aquarelle quasi identique à quelques détails près.
Dim : 49.5 X 520 cm
- Museu Imperial, Casa Geyer, Rio de Janeiro, CG.1002, Dim : 65 X 531 cm. Pour une aquarelle proche avec quelques variantes.
Bibliographie sur le sujet :
- FRANCA, A. M. (2017). A mirada de Rugendas sobre as "matas virgens" brasileiras e sobre o pampa
argentino / The look of Rugendas on the Brazilian "virgin forests" and the Argentine pampas. Estudios
Rurales, volumen 7, Nº 13, ISSN : 2250-4001, CEAR-UNQ. Buenos Aires. Segundo Semestre 2017 ; 93-123.
- FERREZ, Gilberto. Iconografia do Rio de Janeiro : 1530-1890, catálogo analítico. Rio de Janeiro : Casa Jorge, 2000. 2v.
- BERGER, Paulo (org.). Pinturas e pintores do Rio antigo. Apresentação de Sérgio Sahione Fadel. Textos de Paulo Berger, Herculano Gomes
Mathias e Donato Mello Júnior. Rio de Janeiro : Kosmos, 1990.
- HAMOND, Graham Eden. Os diários do Almirante Graham Eden Hamond 1825-1834/38. Rio de Janeiro : Ed. J.B, 1984.
- VIDAL, Emeric Essex. São Salvador da Baía de Todos os Santos : vista panorâmica, aquarelas, 1835 - 1837. Apresentação Pedro Henrique
Mariani. Textos de Maximiliano de Habsburgo e Pedro Agostinho. s.l.: Banco da Bahia Investimentos S.A., 1996. Fac-simile.
- VISÕES do Rio na coleção Geyer. Curadoria Maria de Lourdes Parreiras Horta ; assistência de curadoria Maria Inez Turazzi, Maurício
Vicente Ferreira Junior ; versão em inglês Barry Neves, Cristina Baum, Rebecca Atkinson. Rio de Janeiro : Centro Cultural Banco do Brasil,
2000.
Engagé à quinze ans dans la marine anglaise, Vidal fut grâce à ses voyages, un témoin privilégié de l’Histoire. Faisant partie de l’escorte
anglaise qui accompagna en 1807 la famille royale portugaise dans sa fuite au Brésil lors des invasions napoléoniennes, il découvrit Rio de
Janeiro, port d’attache de la flotte anglaise chargée de contrôler l’Atlantique Sud. Ses compétences visuelles et linguistiques l’ont amené à
occuper différents postes de confiance, dont celui de caissier puis de secrétaire d’amirauté. Ce dernier poste requérait une qualité particulière
d’observation et de compréhension des pays et de leurs coutumes, le secrétaire tenant également le rôle de conseiller de l’amiral ainsi que
d’officier de liaison avec les autorités locales.
Au service d’amiraux commandant le secteur Sud-américain (Sir Robert Otway, 1826-1829 à bord du H.M.S. Ganges, Sir Graham Hamond,
1834-1836 à bord du Spartiate), il eut la possibilité d’étudier profondément plusieurs pays dont le Brésil, l’Uruguay et l’Argentine et d’en
rapporter une description fidèle, basée sur l’observation factuelle des activités humaines dans un environnement précis.
Il est fort probable qu’il réalisa cette vue lorsqu’il était en poste sous les ordres de Sir Robert Otway entre 1826 et 1829 à bord de l’H.M.S.
Ganges. A l’Epoque ce dernier avait convoyé et débarqué un contingent de royal marines pour la protection de l’empereur du Brésil, menacé
par une mutinerie des troupes irlandaises et allemandes. En remerciement, Otway et son capitaine, Inglefied, furent décorés l’ordre de la
Croix du Sud. C’est également au cours de ce séjour que le Ganges et son équipage croisent la route du Beagle, navire d’exploration fameux
pour avoir embarqué Charles Darwin en 1831.
Tout à sa tâche d’observation, Vidal se comporte en documentariste consciencieux. Une étude menée par Ana Marcela França chercheuse
à l’Universidade Federal do Rio de Janeiro sur les différences d’approche dans les représentations entre différents artistes sur ces sujets, dont
Rugendas (1802-1858) et Vidal, a démontré que ce dernier ne cherche jamais à romantiser ses représentations. Là où Rugendas fait montre
d’un remarquable sens du pittoresque et travaille en coloriste, mettant en scène toute la saveur de l’aventure, Vidal, lui se montre avant tout
dessinateur, privilégiant la ligne et la description attentive. S’il ne cherche pas à rendre particulièrement compte de la végétation par exemple,
il s’attache à rendre précisément la topographie et les activités humaines dans un milieu typique, notant scrupuleusement toute information
utile.
La scène de notre aquarelle part de l’extrême gauche, avec le fort de l’île de Tamandare da Laje, le pain de sucre, la baie de Botafogo, le
monastère de Santo Antonio (actuel quartier Centro), le port, l’île du Gouverneur, le fond de la baie (traité en effet atmosphérique afin de
bien rendre l’éloignement), puis le retour par l’autre côté de la baie et la côte de Niteroi terminé par la forteresse de Santa Cruz à l’extrême
droite, réalisant une vue à 360 degrés.
Cette œuvre constitue donc un précieux témoignage de l’état de la baie de Rio et de son activité à la fin des années 1820.
Car il ne faut pas s’y tromper, cette vue panoramique faisant preuve d’une valeur artistique certaine est également un document témoin
nécessaire à la navigation et à la compréhension du milieu de l’époque. Par exemple, dans notre aquarelle, Vidal s’attache à représenter
scrupuleusement les différents types de navigation présents dans la baie (à voile, à vapeur avec le bateau à roues, à la rame avec les canots ou
à la godille avec les radeaux…). Il représente scrupuleusement tous les repères topographiques utiles, ainsi que les différents types de navires
(marchands ou militaires). Cela prend tout son sens lorsqu’on tient compte du déplacement d’un navire amiral à deux ponts de 2284
tonneaux, 84 cannons et 800 hommes d’équipage dans une baie au trafic dense.
Il est très intéressant de noter en comparant notre aquarelle à celle conservée au Museu de Arte de São Paulo, qu’on retrouve esquissés au
crayon sur notre version certains motifs, comme les deux canots près du grand vaisseau deux ponts mouillant en plein milieu de la baie (qui
pourrait bien être le H.M.S. Ganges) qui sont terminés et coloriés sur la version du MASP.
A contrario, un bateau à aubes est représenté dans notre version, mais pas dans celle de Sao Paulo. La comparaison avec la version conservée
au MASP permet donc de relever quelques différences, minimes du point de vue artistique, mais prenant tout son sens dans un paradigme
marin.
Certaines aquarelles d’Emeric Essex Vidal ont été éditées à plusieurs reprises dans différents ouvrages, mais à notre connaissance, pas les
vues de la baie de Rio. Deux hypothèses se présentent concernant l’interprétation des chiffres repères inscrits à différents endroits du
document sous certains monuments et lieux. Il peut s’agir de repères de légende, afin de réaliser un texte explicatif. Il peut également s’agir
de repères directs, correspondant à un livre explicatif versé aux archives de bord, permettant de se repérer et d’analyser une situation de
navigation.
L’expert tient à remercier chaleureusement Roberto Gonçalves, du Museu de Arte de São Paulo, Claudia Rocha, muséologue au Museu
Nacional de Belas Artes de Rio de Janeiro, et tout particulièrement Cynthia Dos Santos Callado, historienne de l’art du département de
peinture étrangère, pour leur aide précieuse durant les recherches documentaires sur cette œuvre.